Coïncidences
Généralités
Largement utilisée dans le domaine de la métrologie de la radioactivité, la méthode des coïncidences 4πβ-γ (Campion, 1959) est une méthode directe développée pour la mesure d’activité de radionucléides dont la désintégration s’accompagne d’au moins deux types distincts de rayonnements ionisants. Son utilisation ne se réduit pas à la mesure d’activité d’émetteurs β-γ, elle s’applique également aux radionucléides dont la désintégration α ou par capture électronique est suivie par l’émission de photons γ. En outre, l’instrumentation peut être adaptée à la mesure en coïncidences γ-γ pour des radionucléides tels que 125I.
Le principe de la méthode coïncidences 4πβ-γ (Bobin, 2007) peut être décrit de façon simple dans le cas idéal d’un radionucléide se désintégrant par émission β- suivie de l’émission simultanée d’un photon γ. Le dispositif de détection et l’électronique de comptage se composent de deux voies distinctes et indépendantes (dites β et γ) chacune exclusivement sensibles à un seul type de rayonnement. La particularité de la méthode des coïncidences appliquée avec une instrumentation classique, réside dans l’addition d’un canal supplémentaire (appelée voie coïncidence) dont le comptage est incrémenté à chaque fois qu’une désintégration est détectée simultanément dans les deux voies β et γ.
L’activité d’une source radioactive est déterminée en calculant le rapport entre le produit des taux de comptage des voies individuelles (β et γ) et le taux de comptage des coïncidences. La particularité de la méthode est que ce calcul ne nécessite pas la connaissance des rendements de détection des détecteurs utilisés. Dans le cas réel d’un excès de comptage dans la voie β dû au rayonnement γ de la source, on applique la technique d’extrapolation par variation du rendement de détection en voie β.
Instrumentation au LNHB
Au LNHB, l’instrumentation dédiée à la méthode des coïncidences est composée de modules électroniques spécifiques développés au laboratoire, fonctionnant sur le principe des temps morts reconductibles et sur la mesure du temps actif. Ainsi lorsque les coïncidences sont comptées à l’aide d’un temps de résolution, une correction instrumentale des coïncidences fortuites est possible sans appliquer des formules classiques de Cox et Isham (Bouchard et Vatin, 1977 ; Chauvenet et al., 1986). Par ailleurs, l’évolution de ces modules électroniques dans le but d’appliquer la technique des anti-coïncidences (Bouchard, 2000 ; 2002), permet de compter les coïncidences de façon indirecte sans l’usage d’un temps de résolution. Cette technique est particulièrement intéressante pour la mesure de radionucléides ayant des états métastables de quelques ms tels que 67Ga (Bobin et al., 2007).
Le LNHB dispose de plusieurs installations permettant de combiner un compteur proportionnel ou à scintillation liquide en voie β, avec un détecteur scintillateur ou semi-conducteur en voie γ. Le compteur à scintillation liquide a la particularité d’être équipé de trois photomultiplicateurs permettant également l’application de la méthode RCTD (Rapport des Coïncidences Triples à Doubles).
Domaines d’application
Selon le type de sources utilisées, l’activité mesurée peut s’étendre de quelques dizaines de Bq jusqu’à plusieurs centaines de kBq. L’incertitude type est de l’ordre de 0,1 % pour des radionucléides tels que 60Co.
Liste non exhaustive de radionucléides mesurés au LNHB par la méthode des coïncidences : 22Na, 24Na, 51Cr, 54Mn, 57Co, 59Fe, 60Co, 65Zn, 67Ga, 75Se, 85Sr, 88Y, 131I, 177Lu, 201Tl, 241Am, etc. On notera que la technique des traceurs permet d’étendre la méthode des coïncidences à la mesure d’activité de radionucléides émetteurs β purs tels que 14C (traceur couramment utilisé : 60Co).
Depuis 2009, le compteur à scintillation liquide est également utilisé pour des mesures d’activité directement en milieu aqueux par effet Cherenkov (i.e. sans mélange avec un scintillateur liquide). Ces mesures par effet Cherenkov ont été appliquées aux méthodes des coïncidences 4πβ-γ et RCTD pour la mesure d’activité de radiopharmaceutiques tels que 90Y (Bobin et al., 2010) et 11C (Thiam et al., 2010). Récemment dans le cadre du projet européen MetroMRT (2012-2015), une référence nationale a été établie pour les microsphères de résine marquées à 90Y SIR-Spheres (Lourenço et al., 2015) produites par la société Sirtex (Australie) pour le traitement du cancer du foie par radioembolisation. Pour cela, un nouveau modèle de l’émission lumineuse, fondé sur le code de simulation Geant4, a été développé pour prendre en compte les différentes caractéristiques de l’émission de photons Cherenkov dans le compteur à trois photomultiplicateurs (Bobin et al., 2010). Ce modèle stochastique a été étendu aux mesures d’activité en scintillation liquide pour la méthode RCTD (Bobin et al., 2012) et l’application de la technique d’extrapolation (Bobin et al., 2016).
POUR ALLER PLUS LOIN :
– Bobin, C., 2007. Primary standardization of activity using the coincidence method based on analogue instrumentation. Metrologia 44, S27-S31.
– Bobin, C., Bouchard, J., Hamon, C., Iroulart, M.G., Plagnard, J., 2007. Standardization of 67Ga using a 4π(LS)β-γ anti-coincidence system. Appl. Radiat. Isot. 65, 757-763.
– Bobin, C., Thiam, C., Bouchard, J., Jaubert, F., 2010. Application of a stochastic TDCR model based on Geant4 for Cherenkov primary measurements. Appl. Radiat. Isot. 68, 2366–2371.
– Bobin, C., Thiam, C., Chauvenet, B., Bouchard, J., 2012. On the stochastic dependence between photomultipliers. Appl. Radiat. Isot. 70, 770-780.
– Bobin, C., Thiam, C., Bouchard., J., 2016. Calculation of extrapolation curves in the 4π(LS)β-γ coincidence technique with the Monte Carlo code Geant4. Appl. Radiat. 109, 319-324.
– Bouchard, J., Vatin, R., 1977. Développement de la technique des coïncidences. Bulletin BNM 30-8
– Bouchard, J., 2000. MTR2: a discriminator and dead-time module used in counting systems. Appl. Radiat. Isot. 52, 441-446.
– Bouchard, J., 2002. A new set of electronic modules (NIM standard) for a coincidence system using the pulse mixing method. Appl. Radiat. Isot. 56, 269-273.
– Campion, P.J., 1959. The standardization of radioisotopes by the beta-gamma coincidence method using high efficiency detectors. Int. J. Appl. Radiat. Isot. 4, 232-248.
– Chauvenet, B., Bouchard, J., Vatin, R., 1986 Properties of a 4πβ-γ coincidence system with a cumulative dead-time circuit Nucl. Instrum. Methods A 243 539-48
– Lourenço, V., Bobin, C., Chisté, V., Lacour, D., Rigoulay, R., Tapner, M., Thiam, C., Ferrreux, L., 2015. Primary standardization of SIR-Spheres based on the dissolution of the 90Y-labeled resin microspheres. Appl. Radiat. Isot. 97, 170-176.
– Thiam, C., Bobin, C., Bouchard, J., 2010. Radiopharmaceutical 11C activity measurements by means of the TDCR-Cherenkov method based on a Geant4 stochastic modeling, Proceedings of the 2010 International Liquid Scintillation Conference (LSC2010), 6–10 sept. 2010, 341-348.
Notre métier : la métrologie
La dose
Les méthodes utilisées pour l’établissement des références nationales doivent être adaptées à la nature du rayonnement considéré et à son intensité. Elles reposent sur des techniques de mesure telles que la calorimétrie, l’ionométrie et la dosimétrie chimique.
La radioactivité
La variété des rayonnements émis et les formes physiques des sources obligent à adapter à chaque cas les procédés de mesure pour établir les références nationales : méthode à géométrie définie, méthodes à géométrie 4 π, méthode des coïncidences …