Dosimétrie chimique (RPE, Fricke)

Spectrométrie RPE

Parmi les méthodes utilisées en dosimétrie de transfert pour la métrologie des rayonnements ionisants, la spectrométrie par Résonance Paramagnétique Électronique (RPE) de l’alanine est appliquée pour assurer la traçabilité des doses dans divers domaines d’application dont celui de la santé qui comprend plusieurs secteurs :

  • la stérilisation des produits à usage unique (seringues, prothèses, …) (quelques dizaines de milliers de grays),
  • la stérilisation des produits sanguins (de quelques dizaines à centaines de grays),
  • la stérilisation des aliments (fournis aux malades immuno-déficients) (quelques milliers de grays).

La RPE a été découverte en 1945 par E. Zavoisky et est aujourd’hui une méthode classique d’analyse de la structure de la matière employée en physique, chimie, médecine et biologie. La spectrométrie RPE présente l’avantage d’être une méthode non destructive ; des mesures peuvent donc être faites sur un même échantillon plusieurs jours voire plusieurs années après une première acquisition.

Spectromètre RPE Bruker ELEXSYS E500 au LNE-LNHB

La spectrométrie par RPE est une méthode fondée sur l’absorption résonante d’une onde hyperfréquence par une espèce paramagnétique placée dans un champ magnétique. Cette technique permet de mesurer la concentration de radicaux libres, en particulier, ceux induits par une irradiation dans des matériaux organiques ou inorganiques.

Cavité résonante

Pour détecter le signal RPE d’un échantillon, celui-ci doit être placé dans un tube de quartz suprasil® inséré au sein de la cavité résonante située au centre entre les deux électroaimants.

L’alanine

La L-α-alanine est un des 20 acides aminés principalement retrouvés dans les chaînes peptidiques des protéines de formule brute C3H7O2N.

Dosimètre contenant 4 pastilles d’alanine

Sous forme de poudre, l’alanine est comprimée pour en faire des pastilles. Le dosimètre utilisé au LNE-LNHB est constitué de quatre pastilles conditionnées dans un conteneur étanche.

L’irradiation des pastilles d’alanine crée des radicaux libres dont la concentration est mesurée par RPE.

Exemple de spectre RPE d’alanine

L’amplitude des spectres RPE de l’alanine est proportionnelle à la concentration des radicaux créés par l’irradiation, et ainsi proportionnelle à la dose reçue par les pastilles d’alanine.

Courbe d’étalonnage des dosimètres alanine

Les faisceaux de référence du LNE-LNHB (cobalt-60 et accélérateur) sont caractérisés en dose absorbée dans l’eau. L’irradiation des dosimètres par ces faisceaux dans les conditions de référence permet d’établir leur courbe d’étalonnage, reliant la dose absorbée dans l’eau au signal RPE correspondant.

Les dosimètres à l’alanine sont conservatifs, stables, reproductibles. Leur réponse RPE est linéaire en fonction de la dose. Ils sont de bons intégrateurs et sont peu dépendants du débit de dose et de la qualité des faisceaux de radiothérapie. Le principal avantage de l’alanine réside dans sa composition qui est très proche de celle des tissus vivants et vis à vis des rayonnements peut être considérée comme équivalent tissu. Cela en fait donc un excellent dosimètre « équivalent tissu » dans une large gamme de dose de 5 grays à 100 000 grays. Les incertitudes obtenues sur la mesure de dose absorbée et sur le kerma dans l’air sont de l’ordre de 2 à 3 % à k = 2.

Leckshell Gammaknife (gauche) – Fantôme anthropomorphique (milieu et droite)

La technique RPE/alanine est utilisée depuis de nombreuses années, essentiellement pour la dosimétrie de référence des fortes doses : étalonnage d’irradiateurs, stérilisation de matériel médical, d’aliments, … Néanmoins, plus récemment, la technique a été étendue à la mesure de doses plus faibles de 2 Gy à 50 Gy, pour le transfert d’étalonnage de faisceaux de radiothérapie. Des méthodologies de mesure de dose adaptées aux nouveaux faisceaux de petite section comme la tomothérapie hélicoïcale (Périchon, 2011), le CyberKnife® (Garcia, 2011) ou encore le GammaKnife® (Hornbeck, 2014) sont en cours de développement, notamment pour le contrôle qualité.

POUR ALLER PLUS LOIN :
– Garcia T., Lacornerie T., Popoff R., Lourenço V., Bordy J.-M., Dose verification and calibration of the Cyberknife by EPR/alanine dosimetry. Radiation Measurements 2011, Vol. 46, 952-957.
– Hornbeck A., Garcia T., Cuttat M., Jenny C., Absolute calibration of the Gamma Knife® Perfexion™ and delivered dose verification using EPR/alanine dosimetry. Med Phys. 2014, Vol. 41(6), 1-10.
– Perichon N., Garcia T., François P., Lourenço V., Bordy J.-M., Calibration of helical tomotherapy device using EPR/Alanine dosimetry. Med Phys. 2011, Vol. 38(3), 1168-77.
– Zavoisky E., Spin Magnetic Resonance in Paramagnetic Spectroscopy. Journal of Physics (USSR). 1945, Vol. 9, 245–249.

Dosimétrie chimique de Fricke

Le dosimètre de Fricke est un dosimètre chimique, principalement constitué d’eau, ce qui en fait un bon équivalent-eau, qui est le milieu de référence en radiothérapie. Il fonctionne sur le principe d’oxydation des ions Fe2+, présents en solution, en ions Fe3+ par les produits de radiolyse de l’eau. Ces ions Fe3+, absorbant à 304 nm, sont donc mesurables par spectrophotométrie. Cette méthode dosimétrique est utilisée depuis de nombreuses années dans les laboratoires de dosimétries primaire et secondaire. Elle présente des incertitudes faibles, inférieures à 0,5 %, et peut être utilisée comme méthode de transfert, par exemple pour passer de la dose absorbée dans le graphite à la dose absorbée dans l’eau.
Le principe du dosimètre de Fricke a aussi été utilisé pour l’élaboration de certains gels dosimétriques. Ces gels dosimétriques sont des matériaux radiosensibles dont les produits de réaction sous irradiation sont quantifiables par des techniques d’imagerie et permettent ainsi de mesurer la dose absorbée en 3 dimensions.
Cette méthode est particulièrement intéressante pour des applications en radiothérapie. En effet, les modalités de traitement se complexifient, avec l’utilisation de champs d’irradiation de petite section qui se conforment à la tumeur et permettent ainsi de l’irradier avec de fortes doses tout en épargnant les tissus sains environnants. Le besoin de méthodes de contrôle qualité adaptées à ces modalités, permettant de vérifier à la fois la dose délivrée au volume tumoral et aux organes à risque, est grandissant et les gels dosimétriques représentent un bon candidat pour y répondre.
Bien qu’intéressants pour une telle application, ils sont encore peu répandus dans le milieu clinique, notamment du fait des contraintes liées à leur utilisation et de leur manque de précision pour des mesures absolues. Le LNHB travaille sur la mise au point de méthodes de dosimétrie 3D, en utilisant des gels dits « de Fricke », fonctionnant sur un principe d’oxydo-réduction, associés à des méthodes d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) et par tomographie optique, afin de fournir un moyen dosimétrique qui puisse être utilisé en routine en service de radiothérapie pour le contrôle qualité des plans de traitement des patients.

Notre métier : la métrologie

La dose

Les méthodes utilisées pour l’établissement des références nationales doivent être adaptées à la nature du rayonnement considéré et à son intensité. Elles reposent sur des techniques de mesure telles que la calorimétrie, l’ionométrie et la dosimétrie chimique.

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La radioactivité

La variété des rayonnements émis et les formes physiques des sources obligent à adapter à chaque cas les procédés de mesure pour établir les références nationales : méthode à géométrie définie, méthodes à géométrie 4 π, méthode des coïncidences …

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